Un peu d'histoire : la langue des signes québécoise

Selon le site internet du Réseau québécois pour l’inclusion sociale (ReQIS), environ 1 Québécois sur 10 s’identifie comme Sourd ou malentendant. Si on parle de toutes les limitations auditives, on parle alors d’une personne sur 4 dans toute la province! Pour pouvoir communiquer, beaucoup de ces personnes utilisent la langue des signes québécoise, ou la LSQ. Rattachée aux autres langues des signes du monde par une histoire riche qui est encore peu connue du grand public, la LSQ fait partie du décor québécois depuis longtemps. Essayons, aujourd’hui, d’en démystifier quelques pans.

Les premières tentatives en Europe

Tout au long de l’histoire, la société a perçu les personnes sourdes de différentes manières. Dans l’Antiquité, en Europe du moins, une idée répandue voulait que ceux qui ne pouvaient s’exprimer à l’oral ne pouvaient pas penser. De facto, la stupidité était liée à l’incapacité de parler.

C’est en Espagne, au 16e siècle, que Pedro Ponce de León, un moine bénédictin, a ouvert les premières classes spécialisées destinées aux sourds dans son monastère de San Salvador. Il a alors développé un alphabet manuel pour épeler n’importe quel mot. Même si cette méthode de communication artificielle faisait fi des langues des personnes sourdes déjà utilisées à l’époque, il s’agissait toutefois d’une tentative, peut‑être inconsciente, de normaliser les communications. En effet, à cause de leur isolement, les personnes sourdes qui vivaient dans une même communauté ou région communiquaient rarement entre elles, freinant du même coup la naissance d’une langue unifiée, fixée à une structure et à des règles communes.

Au 18e siècle, Charles‑Michel de L’Épée, appelé « L’Abbé de l’Épée », a créé la première institution éducative gratuite pour les personnes sourdes de France, à Paris. C’est ainsi que, rassemblés dans un même espace, les enfants sourds ont pu développer et peaufiner leur langue partagée.

Au Québec

Dans notre province, la première école pour personnes sourdes a ouvert ses portes en 1831, à Québec, un projet mené à bien par Monseigneur Ignace Bourget. Cependant, faute d’argent, l’école a fermé quelques années après. Loin de baisser les bras, Mrg Bourget a passé beaucoup de temps à sensibiliser le gouvernement à la cause de l’éducation des sourds afin d’obtenir les fonds nécessaires pour établir une institution permanente. En parallèle, il a communiqué avec Mère Émilie Tavernier-Gamelin, supérieure des Sœurs de la Providence. En 1851, Mère Émilie Tavernier-Gamelin a créé l’Œuvre des sourdes-muettes qui est devenu par la suite l’Institution des Sourdes‑Muettes de Montréal, une école destinée à l’éducation des jeunes filles sourdes.

S’apercevant bien que le gouvernement ne souhaitait pas l’aider, Mgr Bourget a lui‑même ouvert l’école pour les jeunes garçons sourds. Le directeur, l’abbé Lagorce, s’est rendu en France pour prendre connaissance des techniques d’enseignement qu’utilisaient les Clercs de Saint‑Viateur auprès des jeunes sourds Français. De retour au Québec avec des spécialistes en la matière, l’abbé Lagorce a pu assurer un enseignement adéquat pour les garçons sourds.

La naissance de la LSQ

Cependant, alors que les garçons sourds apprenaient la langue des signes française (LSF), les sœurs de l’Institution des Sourdes-Muettes de Montréal enseignaient l’American Sign Language (ASL) puisqu’elles avaient suivi une formation aux États‑Unis. Aussi bien dire que la langue des signes pour les garçons et pour les filles n’était pas la même.

C’est à la suite de la création de l’Institut des sourds de Montréal (aujourd’hui Institut Raymond‑Dewar), où filles et garçons partageaient le même espace, qu’on s’est aperçu de la différence des langues. Il faut attendre 1980 avant que la situation ne se règle et que naisse officiellement la langue des signes québécoise, le résultat du contact entre la LSF et l’ASL.

Il est important de noter que, comme en France et dans plusieurs autres pays, ce sont les professeurs sourds qui ont développé et qui continuent de développer la LSQ. Avec le temps, à travers le pays, une véritable communauté des Sourds a vu le jour. La culture Sourde n’a rien à envier aux autres avec ses activités sportives et culturelles destinées non seulement aux personnes sourdes, mais aussi aux personnes entendantes.

Les progrès acquis par la communauté des Sourds restent fragiles. L’histoire des langues des signes à travers le monde regorge d’avancées et de reculs, ces derniers parfois plus dramatiques les uns que les autres. Encore aujourd’hui, que l’on parle de l’accessibilité à l’information et aux services publics, surtout en cas de sinistres, de la participation sociale dans les domaines de l’éducation et du travail ou encore des stéréotypes qui sont monnaie courante, plusieurs obstacles se dressent pour une meilleure inclusion des personnes sourdes et malentendantes. Bien que la conscientisation se poursuit, nul doute que la vigilance est de mise.

Pour en connaître davantage sur la langue des signes québécoise ou sur les limitations auditives, voici quelques organismes à consulter : 

 

Sources :