Loi canadienne sur l’accessibilité : une étape importante pour les citoyens

C’est avec enthousiasme que nous avons appris que la « Loi canadienne sur l’accessibilité » a reçu la sanction royale le 21 juin dernier.

L’adoption de cette loi représente une victoire pour des milliers de Canadiens. C’est un point de départ que se donne le gouvernement pour faire du Canada un pays exempt d’obstacles.

Après les lois provinciales sur l’accessibilité de l’Ontario, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse, une loi fédérale pourrait, espérons-le, inciter d’autres provinces, mais aussi des territoires et des municipalités à emboîter le pas.  

Des avancées majeures pour l’accessibilité

Si cette loi n’est pas parfaite, plusieurs éléments sont particulièrement intéressants à souligner, que ce soit les personnes qui en bénéficieront, les définitions du handicap et des obstacles, la reconnaissance accordée aux langues des signes ou l’implication des personnes handicapées dans sa mise en œuvre.

En effet, l’objectif même de la loi est « la transformation du Canada […] en un pays exempt d’obstacles au plus tard le 1er janvier 2040, à l’avantage de tous, en particulier des personnes handicapées […] ». On reconnaît ainsi que l’accessibilité, si elle bénéficie d’abord et avant tout aux personnes ayant un handicap, est un gain pour toute la société.

La définition même du handicap va aussi dans ce sens et reste large pour inclure les handicaps de nature temporaire ou épisodique.

Qui plus est, les obstacles sont définis aussi très largement comme « tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. »

Le fait de reconnaître que le résultat d’une politique ou d’une pratique puisse constituer un obstacle est très significatif et peut avoir un impact important sur la société canadienne.

Une avancée majeure réside également dans le fait que l’American Sign Language, la langue des signes québécoise et les langues des signes autochtones sont « les langues les plus utilisées par les personnes sourdes au Canada pour communiquer ». C’est un symbole particulièrement important pour les communautés sourdes du Canada dont on reconnaît officiellement le moyen d’expression et, par le fait même, la culture.

Enfin, dans les mesures qui seront mises en place, la loi établit la nécessité d’impliquer les personnes handicapées autant dans les organes décisionnels que dans les processus que devront mettre en place les organisations de compétence fédérale.  

Les mesures de la loi

Pour atteindre son objectif, la loi oblige les organisations de compétence fédérale à dresser des plans sur l’accessibilité, établir des processus de rétroaction auprès de leurs employés et de leurs clients et publier des rapports d’étape.

Elle constitue une Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité sur le conseil d’administration duquel siégeront des personnes handicapées. Elle prévoit la nomination d’un commissaire à l’accessibilité (un membre de la Commission canadienne des droits de la personne), ainsi que celle d’un dirigeant principal de l’accessibilité (un fonctionnaire).

Pour s’assurer que les mesures prévues dans la loi soient respectées, le commissaire peut mener des inspections et des vérifications documentaires, dresser des ordres de communication ou de conformité, ou dresser des procès-verbaux avec avertissement ou sanction administrative pécuniaire.

Qui plus est, 4 entités – le commissaire à l’accessibilité, l’Office des transports du Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral – se sépareront l’application de la loi et le traitement des plaintes, selon leur champ respectif de compétences.

La loi exige l’inclusion, à plusieurs niveaux, de personnes handicapées : par exemple, dans la préparation et la publication des rapports d’étape, dans le conseil d’administration de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité et dans la composition de comités techniques. C’est une reconnaissance importante de l’expertise des personnes handicapées et du rôle qu’elles doivent jouer dans la mise en œuvre d’un Canada accessible.  

Amélioration continue

Cette première loi fédérale représente l’aboutissement de plusieurs années d’efforts.

Ces efforts remontent au moins à 2016, lorsque la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité du Canada, Carla Qualtrough, a lancé une vaste consultation à travers le pays. Comme beaucoup d’autres, AlterGo a adhéré et participé à cette démarche consultative.

Le projet de loi C-81 a été déposé en juin 2018. Depuis, il a été débattu par les députés et les sénateurs, étudié par deux comités et amendé 2 fois.

Aujourd’hui, la loi diffère à bien des égards de la première mouture de C-81. Elle comporte notamment plusieurs modifications apportées par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Les amendements ont été adoptés à l’unanimité par les députés de la Chambre des Communes le 29 mai dernier, au plaisir de dizaines d’organisations de partout au pays qui s’inquiétaient, entre autres, de l’absence d’échéanciers et de reconnaissance des langues des signes.

La loi, comme le projet de loi ou toute démarche visant l’accessibilité universelle, est aussi perfectible. Pour l’améliorer, les autorités, les organismes et les personnes devront demeurer vigilants et continuer de s’exprimer pour s’assurer qu’elle atteigne les objectifs.

Nous devrons, par exemple, surveiller les effets des approches segmentées de l’application de la loi et du règlement des plaintes.

Nous devrons aussi guetter le fait que la loi permet au gouvernement de s’exempter lui-même de ses obligations.

Et comme l’a observé le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, il reste « des inquiétudes voulant que malgré ce projet de loi, le financement fédéral [puisse] continuer d’être affecté à des projets parfois non respectueux des normes d’accessibilité ». D’autre part, le comité encourageait « vivement » le gouvernement à mettre sur pied des formations normalisées et efficaces, car « le projet de loi ne souligne pas assez l’importance d’éduquer et de former le personnel de première ligne ».

Même si nous devons rester vigilants, nous ne pouvons que nous réjouir de l’adoption de cette loi. Le Canada fait figure d’exemple en allant dans ce sens. Si nous travaillons tous dans cette direction, nous serons réellement en mesure d’offrir un pays exempt d’obstacles aux générations futures.  

Elsa Lavigne
directrice générale

Sur la photo : des pictogrammes représentants des personnes ayant diverses limitations fonctionnelles se tiennent devant une silhouette de l’édifice du Parlement du Canada. (Crédit : Daphné Miljours)

À lire également :