Antoine Hoang : Profiter de l’expérience humaine

Curieux, ouvert et intelligent sont des qualificatifs qui décrivent bien Antoine Hoang. Ayant appris le braille à 5 ans, à l’école Saint-Enfant-Jésus, il a poursuivi ses études à l’école secondaire Jeanne-Mance, pour ensuite entamer un DEC en sciences humaines au Cégep Saint-Laurent. Rencontrez ce jeune homme de 19 ans impliqué dans sa communauté!

Antoine Hoang se tient debout sur le trottoir avec une cane blanche dans la main droite.

Antoine, ta relation avec les médias remontent à plusieurs années! Laura Bari a produit un documentaire qui porte ton prénom, alors que tu n’avais que 6 ans. Quels souvenirs gardes-tu de ce tournage?

C’est certain que je ne suis plus celui que j’étais à 6 ans, bien sûr, mais c’était une démarche créatrice extrêmement intéressante à faire. Je pense que, pour le public, ça peut être un document enrichissant. Ça démontre, par cette histoire autofictionnelle, comment je pouvais percevoir les choses. Alors, quels souvenirs j’en garde? J’en garde une contribution au public, en fait. Mon arrivée dans les médias a commencé par ce documentaire-là. Ça a été une manière de dire ma vie.

Comme c’est axé sur la déficience visuelle, ça donne des informations pour ceux qui seraient intéressés à connaître un peu ça. On voit que j’apprends le braille, parce qu’effectivement, en maternelle, c’est le moment où on apprend à lire et à écrire, et je fais pareil, finalement, avec mes outils un peu particuliers. Ça a été extrêmement plaisant de participer à ce documentaire. Il n’y a pas de filtre, quand on est à cet âge-là. Et on n’a pas conscience d’être filmé, donc…
 

C’était comme un jeu, pour toi, finalement. Tu as également participé à la bande sonore du documentaire?

Oui. Le souvenir est flou, mais j’ai capté des sons, des ambiances. J’étais même entré dans le studio, en exploration, pour voir comment se faisait la postproduction en documentaire et tout ça. J’étais –je le suis encore, mais de façon différente– quelqu’un d’extrêmement curieux et j’absorbais tout ça, sans nécessairement comprendre. Je ne sais pas si on peut faire cette corrélation-là, mais c’est vrai que mon intérêt pour le son et pour l’audio, et pour tout ce qui est reportage, création sonore, entrevue, m’a suivi durant mon parcours.

La bande-annonce du documentaire « Antoine » de Laura Bari.

Il y a quelques années, tu as participé à un camp d’immersion en anglais de la Fondation INCA pour les personnes aveugles. Qu’est-ce que cela t’a apporté?

Les camps d’immersion comme ça, c’est une espèce de plongée vers l’autre. C’est tout le défi de la communication, en fait. On a des langues différentes ; je maîtrise partiellement la langue que tu parles, et on va essayer de se comprendre.

Pour faire une petite mise en contexte, on était 8 de la branche francophone d’INCA à aller dans ce camp anglophone, en Ontario. Donc, ça a permis une unité de groupe assez intéressante. Ceux qui maîtrisent bien la langue à apprendre deviennent des espèces de piliers et peuvent aider à interpréter. Ça crée une occasion spéciale, et les liens se renforcent à cause de la situation. 

L’accueil là-bas était très bien. C’est un camp établi, ce n’est pas un camping obscur, donc ils ont beaucoup de matériel, beaucoup d’activités. En termes d’expérience de camp de jour, c’était extrêmement intéressant. J’ai pu me rendre utile, parce que ce rôle d’interprète que je jouais m’a permis de proposer mon aide, de bâtir ma confiance et mon leadership. Il y avait beaucoup d’énergie, et moi, je suis quelqu’un de très curieux et de très surstimulé, donc c’est ce que je recherchais. Ce fut une belle expérience sociale, autant avec les francophones que les anglophones. C’était fascinant de découvrir le point de vue langagier, mais aussi le point de vue social d’un anglophone né en Ontario.
 

Qu’as-tu appris lors de ton stage en communication à AMI-Télé en 2016?

Ce stage-là en communication m’a permis de faire des rencontres.

J’avais encore de l’intérêt pour le son et on m’a dit : « Pourquoi pas aller à AMI-Télé? » J’ai donc participé à un stage en collaboration avec l’Institut Nazareth et Louis-Braille, qui est un centre de réadaptation en déficience visuelle, et Montréal Relève, qui offre des occasions d’exploration professionnelle pour les élèves du secondaire.

Comme je connaissais déjà un peu AMI-Télé en tant que spectateur et que je connaissais déjà la journaliste que j’allais suivre, ça a créé un cadre tout à fait motivant. Le stage a duré une semaine, où j’ai suivi Jessie Archambault, journaliste pour AMI-Télé. J’ai monté une entrevue et j’ai posé des questions moi-même aussi.

Quand j’y réfléchis, en rétrospective, c’était une belle marque de confiance. On m’a laissé la liberté (sous approbation de la journaliste, bien sûr, mais quand même) de mener une entrevue. J’ai trouvé les questions, je me suis renseigné, j’ai fait la recherche préliminaire sur les prothèses mécaniques et électriques. J’ai découvert une équipe formidable et je pense que ça a bien cliqué. Au-delà de ce que j’ai appris, encore une fois, ce fut une expérience sociale, une expérience de travail humain extrêmement passionnante.

Antoine a participé à l’épisode « Ça ne se demande pas à des personnes ayant un handicap visuel » d’AMI-Télé.

 

Pourquoi avoir choisi les sciences humaines au Cégep?

J’ai choisi les sciences humaines, parce que j’étais plus intéressé par l’individu, la personne, l’humain, donc par la psychologie. J’ai toujours eu davantage de facilité avec des aspects plus qualitatifs. En étant en sciences humaines, j’atteins aussi beaucoup moins rapidement un plafond intellectuel où je me sentirais dépassé.

Ensuite, je compte prendre le baccalauréat en neuroscience cognitive à l’Université de Montréal. Ce n’est pas de la neuroscience pure, dispensée par le département de médecine, donc les gens peuvent y entrer par les mêmes acquis, les mêmes préalables que la psychologie. Mon but, c’est de faire des études supérieures et de devenir, par exemple, prof de psychologie au cégep.
 

Quels sont les outils dont tu te sers le plus pendant tes études?

Avec l’ordinateur et les outils informatiques, maintenant, on peut avoir une voix synthétique qui nous lit les informations textuelles, donc des documents Word ou des messages-textes. (Les technologies continuent d’évoluer, mais de base, ça ne marche pas forcément avec des images, même s’il y a du texte dessus.)

Je peux donc écouter le texte ou brancher un écran braille pour le lire. Sur ce petit écran braille dynamique, les points bougent automatiquement selon le texte affiché. Ça me permet de consulter l’ordinateur ou le téléphone.

Les bibliothèques audio commerciales aussi, comme Amazon Audible, je peux y accéder.

Les outils d’accessibilité s’étendent de plus en plus : je peux donc aussi utiliser les montres Apple Watch, qui ont une fonction de synthèse vocale. Tout passe par le numérique et l’informatique. Quand ce sont des papiers, on peut les scanner et essayer de faire en sorte que l’ordinateur reconnaisse un peu les lettres, avec des résultats qui vont s’améliorer de plus en plus. Ils sont déjà très bons!

Friand de sports et d’aventures, Antoine a participé à un voyage d’une semaine sur le voilier-école d’ÉcoMaris.

 

Tu as dit, en 2017, au Journal Métro, que « l’accessibilité reste un privilège ». Pourrais-tu nous expliquer ce que tu voulais dire et crois-tu que la situation s’est améliorée depuis?

J’ai déjà dit ça, moi? (Rires) C’est possible.

L’accessibilité reste un défi. Les sites web sont navigables, pour la plupart. Après, est-ce que c’est intuitif pour tout le monde? Peut-être pas.

Certaines plateformes d’éducation sont plus ou moins accessibles aussi. La plupart des documents sur internet manquent de structure pour les personnes non-voyantes. On peut se déplacer d’un titre à l’autre, d’un en-tête à l’autre, d’un bloc de texte à l’autre, mais si ce n’est pas bien formaté, ça ne va pas marcher.

Après, écoute, on ne râle pas plus qu’il faut et on s’habitue. Parce que si on devait râler à chaque fois, on ne s’en sortirait pas. Il faut un peu profiter de la vie, quoi. Moi, je l’ai toujours dit, j’ai une déficience visuelle, mais pas d’autres problèmes physiques et pas d’autres problèmes intellectuels. J’ai une chance extraordinaire, par rapport à ça, que je savoure absolument et complètement.

L’accessibilité, je n’ai pas fait d’études empiriques là-dessus, mais c’est vrai que dans le camp d’immersion INCA, mes camarades ne provenaient pas nécessairement de Montréal. Il y avait des gens de Rivière-du-loup, de Trois-Rivières, de Granby. Ça permet d’avoir des mini-portraits de l’état des choses. J’ai pu constater un petit peu cette divergence. D’ailleurs, ça peut être différent d’un cégep à l’autre à Montréal, par exemple. Le réseau collégial essaie d’aplanir les choses et les demandes d’accessibilité sont reliées au même endroit, donc ça aide, mais ça peut diverger au niveau des ressources matérielles, d’un cégep à l’autre.
 

Tu as participé à certains podcasts sur la déficience visuelle ou le harcèlement scolaire. Où en seras-tu, dans tes projets personnels, en 2022?

Ah oui, les podcasts! Comme projet final du programme d’Éducation internationale au secondaire, j’ai décidé de faire des entrevues sur le harcèlement scolaire, puisque c’est un sujet extraordinairement psychologique, qui concerne l’individu. Je me rends compte, en rétrospective, que je suis pas mal cohérent avec moi-même, finalement. (Rires) Tout ça pour dire que j’ai fait une entrevue avec une psychoéducatrice, une travailleuse sociale en organisme communautaire, etc. Et j’avais même réussi à joindre Jasmin Roy (de la fondation du même nom), qui est le grand promoteur contre le harcèlement scolaire, ici, au Québec. Je lui avais simplement envoyé un courriel auquel il a répondu! C’était un grand honneur d’avoir pu lui parler. C’est une personne très sympathique, qui ne se prend pas la tête.

J’ai appris beaucoup en faisant ces podcasts. J’aimerais continuer à partager ce que je peux partager. Répondre aux sollicitations, être ouvert à répondre à des entrevues. Si jamais je peux inspirer quelques personnes, c’est cool. J’espère continuer de faire de belles rencontres, d’aimer la vie. Observer l’humanité, avec des valeurs différentes des miennes, et en retirer des partages intéressants. Est-ce que j’ai des projets spécifiques? Pas forcément, on verra. Le projet principal, c’est les études!
 

Si tu étais…

Un instrument de musique? Violon

Une odeur? Parfum de muguet d’une amie

Un genre littéraire? Roman psychologique

Une chanteuse? Pomme

Une boisson? Thé/tisane

Un philosophe? Socrate

Une langue? Vietnamien